Marcel Duchamp, Fontaine
Artiste : Marcel Duchamp
Dimensions (H × L × l) : 63 × 48 × 35 cm
Création : 1917
Période : Dada
Supports : Céramique
Complément
(1) : https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-c9def5e606bf5117e4e8e0c53575f1¶m.idSource=FR_DP-c9def5e606bf5117e4e8e0c53575f1
Complément (2)
: https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cMdzAer/rejLpXx
Sujet
: Qu'est-ce qui distingue une
œuvre d'art d'un objet quelconque ?
Texte
(1) : Octavio
Paz, Marcel Duchamp : l'apparence mise à
nu (1966), trad. Jacob, Gallimard, 1997
Les
ready-mades sont des objets anonymes que le geste gratuit de l'artiste,
par le seul fait qu'il les choisit, transforme en œuvre d'art. Du même coup, ce
geste détruit la notion d' « objet d'art ». La contradiction est l'essence de
l'acte ; elle est l'équivalent plastique du jeu de mots ; l'un détruit la
signification, l'autre l'idée de valeur. Les
ready-mades ne sont pas anti-art, comme tant de créations modernes, ils
sont artistiques. Ni art ni anti-art,
mais quelque chose qui est entre les deux, indifférent, dans une zone vide.
L'abondance des commentaires sur leur signification - dont certains auront sans
doute fait rire Duchamp - révèle que leur intérêt est moins plastique que
critique ou philosophique. Il serait stupide de discuter de leur beauté ou de
leur laideur ; ils sont en effet au-delà de la beauté et de la laideur ; ce ne
sont pas non plus des œuvres mais des points d'interrogation ou de négation
devant les œuvres. Le ready-made n'introduit
pas une valeur nouvelle : il est une arme contre ce que nous trouvons valable.
Une critique active. Un coup de pied à l'œuvre d'art assise sur son piédestal
d'adjectifs. L'action critique se déroule en deux temps. Le premier est d'ordre
hygiénique, c'est un nettoyage intellectuel. Le ready-made est une critique du goût ; le second est une attaque
contre la notion d'œuvre d'art.
Texte
(2) : Interview de Marcel Duchamp par Philippe Collin à propos des ready made
Philippe
Collin :
Les premiers ready-made
remontent à quelle année ?
Marcel Duchamp :
Marcel Duchamp :
A 13, 1913. La première
chose c'est une roue de bicyclette que j'ai simplement mise sur un tabouret et
je l'ai regardée tourner … Ensuite il y a eu le mouvement, ce n'était pas
nécessaire, ensuite il y a eu le porte-bouteilles en 14, ensuite en 15-16 il y
en eu d'autres : mais depuis très longtemps je n'en fais pas, vous savez, je
n'en fais plus parce que justement, il y a le danger d'en faire trop, parce que
n'importe quoi, vous savez , aussi laid que ce soit, aussi indifférent que ce
soit, deviendra beau et joli après quarante ans, vous pouvez être
tranquille…Alors, c'est très inquiétant pour l'idée même du ready-made.
Philippe Collin :
Philippe Collin :
Est-ce que vous n'êtes pas
arrivé, depuis l'époque où vous avez fait vos premiers ready-made, à cet
attachement esthétique que vous craignez, ou est-ce qu'ils sont restés
parfaitement indifférents pour vous ?
Marcel Duchamp :
Marcel Duchamp :
Pour moi, oui ! A moi, oui
! Mais enfin, je comprends très bien que les gens cherchent souvent un côté
agréable, et ils le trouvent par habitude. Si vous regardez une chose vingt
fois, cent fois, vous commencez à vous habituer, à l'aimer ou à la détester,
même. Ça ne reste jamais tout à fait indifférent. Donc c'est un problème difficile.
Surtout, pour moi, ils ne m'intéressent pas du tout à regarder, comprenez-vous.
Philippe Collin :
Philippe Collin :
Mais comment doit être
regardé un ready-made ?
Marcel Duchamp :
Marcel Duchamp :
Il ne doit pas être
regardé, au fond. Il est là, simplement. On prend notion par les yeux qu'il
existe. Mais on ne le contemple pas comme on contemple un tableau. L'idée de
contemplation disparaît complètement. Simplement prendre note que c'est un
porte-bouteilles, ou que c'était un porte-bouteilles qui a changé de
destination.
Plus loin Duchamp enfonce le clou en précisant :
Plus loin Duchamp enfonce le clou en précisant :
… Il n'y a plus de question de visualité : le ready-made
n'est plus visible, pour ainsi dire. Elle est complètement matière grise. Elle
n'est plus rétinienne…(…)… et je vous assure que je pense pas du tout à mes
ready-made. Je n'y ai jamais autant pensé que maintenant, parce que pendant une
période de trente ans personne n'en a parlé, ni moi non plus. Donc, c'était un
peu oublié, simplement, et ça reparaît maintenant. Et puis, dans cinq ou six
ans, on n'en reparlera plus.
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