Pierre Soulages
Artiste
: Pierre Soulages
Peinture
260 x 202 cm 19 juin 1963
Artiste : Pierre Soulages
Titre
: 29 juin 1979, Diptyque
Dimension
: 202 x 453 cm
Technique
: Huile sur toile
Création
: 1979
Lieu
de conservation : Paris, musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou
Sujet
(1) : Le
plaisir esthétique suppose-t-il une culture esthétique ?
Sujet
(2) : Peut-on reprocher à une œuvre d'art de ne rien vouloir dire ?
Texte
(1) : Herbert Marcuse, Éros et
civilisation, 1955, trad. E. Neny et B. Fraenkel, Paris, Seuil, coll.
Points, p. 139.
En tant que
phénomène esthétique, la fonction critique de l'art porte en elle sa propre
défaite. La liaison même de l'art à la forme contrecarre la négation de la
servitude humaine dans l'art. Pour être niée, l'aliénation doit être
représentée dans l'œuvre d'art avec l'apparence (schein) de la réalité comme réalité dépassée et maîtrisée. Cette
apparence de maîtrise soumet nécessairement la réalité représentée à des
critères esthétiques et ainsi la prive de son horreur. En outre, la forme de
l'œuvre d'art investit le contenu des qualités de la jouissance. Le style, le
rythme, la métrique introduisent un ordre esthétique lui-même source de plaisir
et qui réconcilie avec le contenu.
La qualité
esthétique de la jouissance, et même le divertissement, a toujours été
inséparable de l'essence de l'art, quelque tragique, quelque exempte de
compromis que soit l'œuvre d'art. La proposition d'Aristote sur l'effet
purificateur de l'art résume la double fonction de l'art qui est à la fois
d'opposer et de réconcilier, de dénoncer et d'acquitter, de faire resurgir ce
qui est refoulé et de le refouler à nouveau, sous une forme « purifiée ». Les
gens peuvent « s'élever » grâce aux classiques : ils lisent et ils peuvent voir
leurs propres archétypes se rebeller, triompher, capituler ou périr. Et puisque
tout ceci affecte une forme esthétique, ils peuvent en tirer du plaisir... et
l'oublier.
Texte (2) : Theodor
W. Adorno, Minima Moralia (1951), VI,
trad. E. Kaufholz, Payot & Rivages, 1993
L'opinion répandue par les esthéticiens, selon laquelle l'œuvre d'art en tant
qu'objet de contemplation immédiate doit être comprise uniquement à partir
d'elle-même, ne résiste pas à l'examen. Elle ne trouve pas seulement ses
limites dans les présupposés culturels d'une œuvre, dans son « langage » que
seul un initié est en mesure de suivre. Même lorsque de telles difficultés ne
se présentent pas, l'œuvre d'art demande plus que le simple abandon en
elle-même. Celui qui veut déceler la beauté de La Chauve-souris doit savoir que c'est La Chauve-souris : il
faut que sa mère lui ait expliqué qu'il ne s'agit pas seulement de l'animal
ailé, mais d'un costume de bal masqué ; il faut qu'il se rappelle qu'on lui a
dit : demain nous t'emmenons voir La
Chauve-souris. Être inséré dans la tradition signifierait : vivre l'œuvre
d'art comme quelque chose de confirmé, dont la valeur est reconnue, participer,
dans le rapport que l'on a avec elle, aux réactions de tous ceux qui l'ont vue
auparavant. Si toutes ces conditions viennent à manquer, l'œuvre apparaît dans
toute sa nudité et sa faillibilité. L'action cesse d'être un rituel pour
devenir une idiotie, la musique, au lieu d'être le canon de phrases riches de
sens, paraît fade et insipide. Elle
a vraiment cessé d'être belle.
Commentaires
Enregistrer un commentaire